Introduction : Et si vos équipes mouraient de faim entre deux bottes de foin ?

Dans le monde de l’entreprise, l’image peut prêter à sourire. Un âne, immobile, incapable de choisir entre deux bottes de foin identiques, finit par mourir de faim. Derrière cette fable attribuée au philosophe Jean Buridan, se cache pourtant une réalité contemporaine lourde de conséquences.

Dans les bureaux, les open-spaces, les salles de réunion, ce syndrome de l’âne de Buridan se matérialise par une paralysie décisionnelle chronique, source de stress, de désengagement, et in fine de sous-performance globale. Et ce n’est pas une vue de l’esprit : selon Oracle (2023), 74 % des dirigeants estiment que l’incapacité à décider rapidement freine directement leur croissance.

À l’heure où les défis s’accumulent, il est urgent pour les dirigeants de reprendre la main sur ce phénomène silencieux mais corrosif.

Quand trop de choix tue l’action : la paralysie décisionnelle au cœur des tensions

A. L’abondance de sollicitations : moteur du stress moderne

Multiplication des projets, demandes en cascade, notifications continues, outils collaboratifs… Le quotidien professionnel moderne expose les salariés à une surcharge permanente d’informations et de décisions. Résultat : l’attention se disperse, la pression monte et la peur de se tromper s’installe.

C’est le paradoxe du choix : au-delà d’un certain seuil, plus il y a d’options, plus il devient difficile de décider. À l’instar de l’âne de Buridan, vos équipes hésitent, tournent en rond, reportent les arbitrages. Et pendant ce temps, la productivité s’effrite.

B. Le coût caché de l’indécision : une érosion lente mais réelle

Contrairement à une erreur franche, l’indécision n’a pas de bruit. Elle s’insinue. Elle retarde les projets, génère des réunions stériles, pousse les collaborateurs à se replier sur des tâches secondaires « en attendant ». Elle coûte en énergie, en clarté stratégique et en engagement.

L’indécision chronique devient ainsi un facteur de stress majeur, parfois plus nocif que la surcharge de travail elle-même. Elle nourrit le sentiment d’impuissance, favorise le burn-out, augmente le turnover et dégrade la culture d’entreprise.

Une responsabilité stratégique pour les dirigeants

A. Prévenir les risques psychosociaux, un impératif de gouvernance

La loi est claire : les employeurs ont l’obligation de préserver la santé mentale de leurs collaborateurs. Mais au-delà de cette contrainte légale, il s’agit d’un véritable enjeu stratégique.

Un employé stressé et figé dans l’indécision, c’est un maillon faible dans la chaîne de valeur. À l’inverse, une équipe capable de trancher, même dans l’incertitude, devient un atout redoutable de réactivité, d’innovation et de performance.

B. Lutter contre la culture du « parapluie »

Trop souvent, l’indécision découle d’un climat managérial où chaque décision est perçue comme risquée, voire périlleuse. On préfère ne rien décider plutôt que prendre la mauvaise décision. On multiplie les validations, les emails en copie, les réunions de « recadrage ».

Résultat ? Une culture du parapluie s’installe : chacun se protège, personne n’avance. Le dirigeant doit casser ce cercle vicieux en valorisant l’expérimentation, la confiance et le droit à l’erreur. Car ne pas décider, c’est aussi une décision… et rarement la meilleure.

Donnez un cap : sortir du flou pour libérer l’action

A. Clarifier les priorités, c’est soigner le stress à la racine

Un collaborateur bloqué entre plusieurs priorités sans hiérarchisation claire finit toujours par se figer. Clarifier les attendus, redonner du sens au travail, reconnecter chaque mission à la stratégie globale : autant de leviers qui libèrent la prise d’initiative et diminuent la charge mentale.

Le rôle du dirigeant est ici fondamental : fixer un cap lisible, répété, incarné, partagé. C’est ce cap qui permet aux équipes de trancher, de choisir, d’avancer sans peur.

B. Du mono-tasking à la décision autonome

Dans un monde obsédé par la réactivité et le multitâche, la valorisation du « mono-tasking » est un geste managérial fort. Encourager les équipes à se concentrer sur une tâche à la fois, à décider dans leur périmètre, c’est offrir un antidote efficace à la dispersion et au stress.

Cela implique de définir clairement les zones de responsabilité, d’autoriser la décision locale, et d’accepter l’imperfection comme prix de l’action rapide.

Construire une culture décisionnelle saine et durable

A. Des rituels structurants pour trancher dans le flou

La culture décisionnelle ne s’improvise pas. Elle se construit par des outils concrets :

  • Méthode RAPID (Recommend, Agree, Perform, Input, Decide) pour clarifier les rôles ;

  • Sprints décisionnels pour trancher les points en suspens ;

  • Délais de décision imposés pour éviter l’érosion par procrastination.

Ces mécanismes rendent la décision visible, collective et assumée.

B. Récompenser la décision… même imparfaite

Trop d’organisations valorisent uniquement le résultat. Or, la qualité du processus décisionnel est tout aussi stratégique. Mieux vaut une décision imparfaite mais rapide, suivie d’un ajustement, qu’une attente paralysante. La plupart des décisions sont réversibles : il faut l’intégrer dans les pratiques managériales.

Lever le tabou du stress et de l’hésitation

A. Créer des espaces de parole sur la pression mentale

La peur de l’erreur, l’hésitation, le stress… Ces sujets restent tabous dans beaucoup d’entreprises. Pourtant, les ignorer, c’est les laisser gangréner les dynamiques collectives.

En créant des espaces de parole réguliers et sécurisants — individuels ou collectifs — le dirigeant agit en prévention, détecte les signaux faibles et restaure la confiance. Ce climat bienveillant est la condition pour qu’émerge une culture de la responsabilité.

B. Faire du stress un indicateur stratégique

Taux de stress perçu, capacité décisionnelle des équipes, nombre de projets bloqués : ces indicateurs doivent remonter au même titre que les chiffres de ventes. Pourquoi ? Parce qu’ils conditionnent l’avenir même de l’entreprise.

Conclusion : Redonner faim à l’âne de Buridan

L’âne de Buridan, figé entre deux choix, finit par mourir de faim. L’image est brutale, mais elle résonne avec une lucidité troublante dans les organisations d’aujourd’hui.

Pour en sortir, il faut oser remettre en question les croyances, les habitudes et les modes de fonctionnement internes. Donner du sens, fixer un cap, construire une culture de la décision et autoriser le droit à l’erreur, voilà les fondations d’une entreprise vivante, réactive et humaine.

Dirigeants, vos équipes n’attendent pas des réponses parfaites. Elles attendent des cadres clairs, des espaces de confiance et la permission d’agir. Offrez-leur cela, et vous verrez naître des décisions, de l’énergie, de la performance.

Car au fond, la clé n’est pas de choisir entre deux bottes de foin.

La clé, c’est de savoir pourquoi on a faim.

Vous êtes l’âne de Buridan ? Il est temps de choisir avant de mourir de soif entre deux idées !

Ne laissez pas la paralysie de l’analyse freiner votre performance.
Faites le premier pas : échangeons sur vos options et avançons avec lucidité.

Planifiez un rendez-vous stratégique dès maintenant

Pilier Description
Clarté du cap Vision partagée, priorités hiérarchisées, critères de décision explicites.
Objectif : réduire l’ambiguïté et donner du sens à l’action.
Cadre responsabilisant Définir qui décide quoi, à quel moment, et dans quel périmètre.
Objectif : libérer l’autonomie tout en sécurisant les décisions.
Valorisation de l’action imparfaite Mieux vaut une décision à 70 % qu’un blocage à 100 %.
Objectif : favoriser l’audace, tester, apprendre et ajuster rapidement.
Hygiène mentale collective Encourager le mono-tasking, limiter les interruptions, cadrer les urgences.
Objectif : restaurer la concentration et réduire la charge mentale.
Lucidité managériale Nommer le stress, assumer les zones de flou, incarner une posture claire.
Objectif : cultiver la confiance, même dans l’incertitude.